- HYMNE (liturgie chrétienne)
- HYMNE (liturgie chrétienne)HYMNE, liturgie chrétienneL’anthropologie religieuse connaît l’hymne comme une de ses catégories universelles, à laquelle est applicable la définition de saint Augustin: «Hymus ergo tria ista habet et cantum, et laudem, et Dei. Laus ergo Dei in cantico, hymnus dicitur » («L’hymne est tout à la fois un chant, une louange, et cela pour Dieu. La louange de Dieu sous forme de cantique s’appelle donc hymne»), ou celle d’Isidore de Séville: «Proprie autem hymni sunt cantus continentes laudem Dei » («À proprement parler, les hymnes sont des chants qui contiennent une louange de Dieu»). Les civilisations modernes «profanes» ont d’ailleurs conservé la substance de cette catégorie en adoptant des hymnes nationaux, des hymnes de mouvements politico-sociaux (mouvements de jeunesse, d’action catholique, de partis, etc.). Ne crée-t-on pas des hymnes pour célébrer quelque événement collectif d’importance (congrès, centenaires)? L’hymne est un «rite» social, une célébration collective. Ordinairement, on appelle hymnes «des pièces versifiées divisées en strophes de structure identique, chantées alternativement par deux chœurs» (Cocheril). Toutes les églises chrétiennes les connaissent. «Le terme a aussi désigné tout chant, cantique, psaume et autres compositions assimilées» (id .).«Il y a un moment dans la liturgie chrétienne où le chant n’est pas seulement un support mélodique à la parole, un facteur d’unité communautaire ou de solennité, un moyen d’entrer dans une atmosphère de célébration, mais un acte vrai et propre du culte en lui-même, un rite autonome: ce moment, c’est l’hymne» (G. Stefani, L’Acclamation de tout un peuple , 1967). Le Gloria in excelsis Deo , malgré sa forme non strophique, est ce rite, cette hymne-acclamation qui complète la supplication du Kyrie , au début de la messe. Il fut traditionnellement appelé doxologia major (grande doxologie). C’est une «prose artistique, apparentée à la poésie biblique, utilisant le procédé du parallélisme binaire ou ternaire en stiques brefs, librement groupés ou enchaînés. Elle appelle par nature la forme directe, mais n’exclut pas des alternances. L’exécution à deux chœurs a généralement prévalu dans le genre monodique», écrit J. Gélineau (Chant et musique dans le culte chrétien , 1962), qui poursuit: «Le Gloria de l’ordinaire Vatican XV nous offre sans doute la mélodie la plus ancienne et la plus typique; c’est un récitatif syllabique de type formulaire répétant dix-huit fois le même timbre. Les autres pièces grégoriennes, du genre air, s’attachent davantage à mettre en valeur le texte; elles ne s’écartent pourtant guère du style syllabique. Celui-ci se maintiendra encore dans les premières compositions polyphoniques jusqu’au XVe siècle. Ce qui convient le mieux à cette pièce est le genre de la mélodie populaire.» C’est bien ainsi qu’il faut comprendre les allusions que l’on rencontre dans l’Évangile (Matth., XXVI), et dans les Épîtres de saint Paul. Pline, dans sa lettre à Trajan (113), rapporte que les chrétiens s’assemblent pour chanter des hymnes en chœurs alternés. On sait que Bardesane, fondateur en 225 d’une communauté hérétique gnostique, composa des hymnes, ainsi que son fils Hammonius. Pour combattre cette hérésie, saint Éphrem d’Édesse (Éphrem le Syrien, 379) adapta sur les mélodies qu’il conserva des paroles orthodoxes. On attribue à cet évêque 66 variétés «rythmiques». On ne possède rien de cette époque en ce qui concerne la notation musicale. Parmi les auteurs d’hymnes chrétiennes orientales de ce temps, citons Romanos le Mélode (VIe s.), Pisiddès (VIIe s.), André de Crète (VIIe s.), Jean Damascène (749) et Grégoire de Nazianze; en Occident (IVe et Ve s.), Prudence, Synésius, Lactance, Ausone, bien que leurs compositions, trop attachées aux normes poétiques classiques, n’aient pas été très populaires. C’est au cours de la seconde moitié du IVe siècle que les hymnes pénétrèrent dans l’Église occidentale. Saint Hilaire de Poitiers aurait composé les plus anciennes (telle la Lucis largitor optime , écrite pour sa fille Abra). L’évêque Fortunat de Gaule (VIe s.) est l’auteur du Pange lingua et du Salve festa dies . Le nom de saint Ambroise, évêque de Milan, est éminemment attaché aux hymnes chrétiennes. Le type de ses hymnes est le Creator alme siderum . Le problème de la restitution musicale est toujours non résolu dans tous ses détails, surtout en matière rythmique. Quoi qu’il en soit, les hymnes ambrosiennes connurent le plus vif succès dans l’Église d’Occident. Quinze ans après leur création (385), saint Augustin nous apprend qu’elles étaient partout diffusées, notamment en Gaule, où saint Césaire (503-543) les introduit à Arles. Saint Benoît les inséra dans l’office monastique, de même que Cassiodore. L’Église romaine finit par les accepter elle aussi, au XIIe siècle, sans pour autant en faire grand usage. Il y eut même un concile local pour les condamner (Braga, 563); mais celui de Tours (567) les admit et le concile de Tolède de 633 les imposa à l’Église espagnole. Les ordres religieux (cistercien, franciscain et dominicain) diffusèrent de nombreuses hymnes, soit anciennes, soit récemment composées, qui figuraient parfois dans des recueils spéciaux, les hymnaires. Chacun des grands ordres religieux a possédé ses hymnes propres. On connaît donc plusieurs groupes de textes, avec ou sans leur musique. Il y a ainsi un groupe dit «bénédictin» qui a conservé d’anciens usages gallicans; un autre groupe remonte vraisemblablement au IXe siècle et supplanta finalement le groupe bénédictin. Les pays du Nord, surtout l’Irlande, furent des terres d’élection de la poésie hymnique. Les hymnes encore usitées aujourd’hui pour les petites heures de l’office et pour les complies proviennent de ces pays (J. A. Jungmann, La Liturgie de l’Église romaine ). Dans le rituel néo-gallican, l’hymnaire fut très développé.En ce qui concerne la structure métrique des hymnes, on rencontre, outre l’iambique des hymnes ambrosiennes, plusieurs mètres couramment employés, tels que les mètres trochaïque, iambique, trochaïque dactylique, saphique. En raison de la régularité métrique des vers, les hymnes peuvent sans inconvénient être chantées sur plusieurs timbres interchangeables. Le nombre des hymnes répertoriées atteint plusieurs milliers (dans le seul catalogue d’Ulysse Chevalier: Repertorium hymnologicum. Catalogue des chants, hymnes, proses, séquences, tropes en usage dans l’Église latine , Louvain, 1892-1921; et les Analecta hymnica medii aevi de G. Dreves et C. Blume ne comportent pas moins de 55 volumes publiés entre 1886 et 1922). Une si grande richesse musicale n’est encore que très imparfaitement connue et utilisée musicologiquement, sans présumer de son adaptation à la liturgie contemporaine.
Encyclopédie Universelle. 2012.